Les technologies prennent de plus en plus de place dans nos vies, particulièrement chez les jeunes, qui sont très souvent « connectés » à leurs appareils électroniques et aux réseaux sociaux pour échanger, écouter de la musique ou jouer à des jeux. C’est beaucoup de temps passé avec des écouteurs sur les oreilles, qui sont stimulées à répétition, et le bruit auquel elles sont exposées peut devenir nocif à long terme.
Animé par la présidente d’Audition Québec et bi-implantée cochléaire Jeanne Choquette, ce troisième et dernier panel de la journée a permis un échange entre parents et professionnels sur les risques associés à l’exposition au bruit et les bonnes habitudes à inculquer à nos jeunes en matière d’écoute, dans le but de leur assurer la meilleure santé auditive qui soit.
Les panélistes étaient Adriana Lacerda, Ph.D. Sciences biomédicales, option audiologie, professeure agrégée à l’École d’orthophonie et d’audiologie (EOA) et chercheuse au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (CRIUGM), Joanie Farmer, M.P.A, audiologiste à l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ) et Marie-Pascale Nadeau, parent et bi-implantée cochléaire.
L’ÉTAT DES LIEUX SUR LES HABITUDES D’ÉCOUTE CHEZ LES JEUNES
Il y a une augmentation des jeunes qui ont des troubles auditifs, qui sont reliés à leurs mauvaises habitudes d’écoute. L’Organisation mondiale de la Santé, l’année passée, a sorti une donnée comme quoi il y a 50 % des jeunes entre 12 et 35 ans qui sont à risque de présenter des troubles auditifs en raison de leurs mauvaises habitudes d’écoute. Donc ça, c’est 1,1 milliard de jeunes qui sont à risque dans le monde. C’est beaucoup de gens. Mais qu’est-ce que c’est une mauvaise habitude d’écoute? Ce n’est pas un problème d’écouter de la musique ou d’écouter des podcasts, ce n’est pas ça en soi. Ce qu’on doit surveiller, c’est […] la durée d’écoute combinée avec l’intensité, le volume auquel on va écouter soit la musique ou une conversation, ou la télévision, ou nos jeux vidéo. L’Organisation mondiale de la Santé dit que l’écoute sécuritaire chez les jeunes, c’est un maximum de 75 décibels, 40 heures par semaine. Ce dont on se rend compte, […] c’est qu’il y a 60% des jeunes qui mettent les écouteurs trop fort. Et c’est là que c’est dangereux et c’est là que ça nous inquiète. Puis aussi, il y a 50% des jeunes, après avoir enlevé leurs écouteurs, qui vont rapporter des symptômes auditifs. On a parlé de l’acouphène tantôt, on peut avoir une sensation d’oreille bouchée aussi, donc il y a des pertes à l’audition qui sont temporaires. 50% des jeunes ont rapporté ces symptômes-là. Après l’écoute de musique, c’est beaucoup, puis c’est ça qui est préoccupant. – Joanie Farmer
SENSIBILISER LES JEUNES PLUS TÔT
On doit commencer le plus tôt possible, surtout dans l’âge primaire. […] La perte auditive due au bruit c’est prévisible, on peut donc prévenir, il faut agir tôt et sensibiliser le plus tôt possible dans les écoles. Notre programme, notre projet, c’est vraiment de sensibiliser auprès de la communauté scolaire, surtout pour les effets de bruits, les bruits liés aux activités de loisirs, mais aussi le bruit environnemental dans les écoles. […] Le programme va agir dans la communauté scolaire au complet parce qu’on va sensibiliser les jeunes, mais on va travailler avec les professeurs aussi, créer des stratégies qui sont disponibles dans une trousse. – Adriana Lacerda
QUELLES SONT LES BONNES PRATIQUES D’ÉCOUTE À INCULQUER ?
Il y a plusieurs bonnes habitudes à adopter pour préserver une bonne santé auditive qui ont été soulevées par les panélistes :
- Surveiller le volume, l’intensité et la durée;
- S’éloigner de la source sonore (par exemple, du haut-parleur);
- Utiliser de la protection auditive (bouchons, coquilles, etc.);
- Utiliser des écouteurs avec réduction de bruit ambiant ou avec une limite auditive.
J’aurais envie d’ajouter, […] comme parent, on peut faire attention aux choix qu’on fait au niveau des jouets avec les bébés, ça existe des jouets sonores. Les enfants, ils ont des petites oreilles et souvent sont portés à amener les jouets vers la bouche, donc tout près de l’oreille. Les réglementations canadiennes disent que le son ne doit pas dépasser 100 décibels. 100 décibels dans une oreille d’adulte, on ne peut pas laisser ça plus de quinze minutes, après quinze minutes, il y a des risques significatifs de dommages permanents de l’oreille. Donc imaginez un tout petit de un an et demi, deux ans, qui prend un jouet aussi fort, qui se le met près de l’oreille, ça peut être très dommageable. […] Donc comme parent, on peut faire attention de choisir les jouets qu’on va acheter. Est-ce qu’il y a un contrôle de volume sur le jouet? Est ce qu’on peut enlever les batteries dans le jouet pour pas qu’il fasse de bruit si le bruit est pas utile? Ou sinon, est-ce qu’on peut mettre du ruban adhésif sur le haut-parleur du jouet pour éviter que ce soit trop fort au niveau de l’oreille de l’enfant? Donc ça, c’est un geste de prévention comme parent qu’on peut faire dès un très jeune âge. – Joanie Farmer
LA SENSIBILISATION : PAS TOUJOURS FACILE CHEZ LES ADOS
À l’adolescence, nous sommes dans une période davantage oppositionnelle et lorsque nos parents nous donnent des recommandations ou des conseils, nous n’avons pas toujours envie de les écouter. Les adolescents se sentent souvent invincibles et ne croient pas nécessairement que leurs oreilles peuvent être affectées par leurs habitudes.
Je pense que le défi c’est de leur faire comprendre que leurs oreilles ne sont pas éternelles. Ils sont beaucoup en mode opposition. Donc c’est un peu comme pour le casque de vélo, on sait que c’est important de protéger notre tête, mais ils ne les mettent pas. Même si on leur explique les conséquences d’un traumatisme crânien. C’est la même chose pour les écouteurs. Nous, notre solution de compromis, si on peut dire, moi et mon conjoint, ça a été de dire qu’on investit pour de bons écouteurs, qui ont une réduction de bruit. Donc ils n’ont pas tendance à les mettre au maximum pour réduire le bruit ambiant. – Marie-Pascale Nadeau
Il reste tout de même quelques solutions pour protéger l’audition de ses ados, comme de mettre un contrôle parental sur la limite du volume du téléphone ou encore, opter pour de la sensibilisation et inviter son enfant à télécharger une application qui mesure les décibels (sonomètre) pour lui faire prendre conscience de son environnement sonore.
C’est une façon de sensibiliser les gens et d’informer aussi, de savoir quel est le niveau de bruit dans un environnement, soit de loisir ou de travail, n’importe où. […] Donc, notre intention, c’est aussi d’utiliser toute la technologie, toutes les applications en faveur de la santé auditive. Donc, dans la trousse (à l’école), il y aura aussi les applications pour mesurer les bruits. – Adriana Lacerda
DEMEURER INFORMÉ SUR L’IMPACT DU BRUIT CHEZ LES JEUNES
L’une de nos panélistes, Joanie Farmer, a travaillé au développement d’une nouvelle section sur le site web de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec qui porte sur le bruit chez les enfants.
Quand on dit le bruit, ça peut être le bruit d’une tondeuse, dans une manufacture, dans une usine. Mais la musique, quand c’est écouté à des volumes trop forts, ça s’appelle du bruit finalement, au niveau de l’audition. Ça a le même impact que par exemple un travailleur qui serait dans une usine toute sa vie, quelqu’un qui écouterait de la musique très très fort toute sa vie peut avoir les mêmes impacts au niveau de son audition. Donc c’est pour ça qu’on a appelé ça le bruit et les jeunes. – Joanie Farmer
PARLONS UN PEU PLUS DES BOUCHONS
Les bouchons de protection auditive ont beaucoup évolué dans les dernières années, on y fait référence dans l’entrevue avec Jérémie Voix, mais qu’est-ce qui est à conseiller pour les adolescents qui vont voir des concerts ?
Il y a plusieurs bouchons sur le marché, mais les bouchons pour les musiciens, c’est un bouchon qui va atténuer les bruits ou la musique d’une façon égale, ça veut dire qu’il va donner une qualité sonore quand même. C’est différent d’un bouchon qu’on achète à la pharmacie par exemple, et qui n’atténue pas d’une façon égale toutes les fréquences de musique, par exemple. Donc les bouchons pour les musiciens, les bouchons moulés, c’est encore meilleur parce que c’est adapté à l’anatomie de notre oreille, ça va peut-être être moins dérangeant. – Adriana Lacerda
Les bouchons pour musiciens sont donc une bonne option pour profiter pleinement de la musique en toute sécurité. Cependant, ceux-ci coûtent plus de 200 $. Heureusement, il existe d’autres options :
Il y a des bouchons qu’on peut acheter en vente libre, ce sont des bouchons pour les musiciens qui ne sont pas moulés dans nos oreilles. Mais il y a des tailles différentes qu’on peut acheter selon les grandeurs de nos oreilles, de nos conduits auditifs. Et ça fait les mêmes effets parce qu’ils ont des filtres qui vont atténuer les sons de façon égale aussi. Et on peut suggérer par exemple le filtre […] qui va couper les sons de quinze décibels, à un festival ou à un concert par exemple. – Adriana Lacerda
AU-DELÀ DE LA MUSIQUE : FAIRE ATTENTION AU BRUIT DANS LES ÉCOLES
Les milieux scolaires sont des endroits extrêmement bruyants : cafétéria, gymnase, etc. Il peut y avoir beaucoup d’écho et il y a généralement plusieurs sources de bruit qui se combinent. Mais existe-t-il des solutions pour atténuer le bruit dans ces environnements ?
Il y a plusieurs choses qu’on peut faire pour atténuer le bruit. Toutes les modifications acoustiques dans une salle par exemple, pour minimiser les bruits et même la réverbération. Il y a tous les changements qu’on peut faire dans la salle, mais il y a des mesures simples qu’on peut utiliser par exemple dans une école, et on peut même utiliser […] des panneaux acoustiques, […], oui, mais des choses simples comme des rideaux dans les fenêtres pour diminuer la réverbération. – Adriana Lacerda
Il est également possible d’ajouter des objets faits de matériaux absorbants pour diminuer le bruit :
Comme un babillard. Des bricolages avec des boîtes de couleurs, des tapis, des coussins, des matériaux, des tissus qui vont absorber. Des rideaux. Ce sont des matériaux qui vont absorber la réverbération. – Joanie Farmer
UN MESSAGE À RETENIR
Je pense que plusieurs parents vont se poser la question, par où je commence ? Je pense que ça va être d’avoir une bonne discussion avec nos enfants et les ados, pour leur expliquer la situation, les dangers, puis de mettre en place les stratégies dont on a parlé, les mouvements, les écouteurs, le volume sur le téléphone, qu’il va falloir s’asseoir avec eux. Mais c’est ça, je pense qu’au niveau scolaire, les écoles ont beaucoup à faire pour être dans le mode prévention. Mais ça commence par la maison aussi. Les sensibiliser, trop de temps avec les écouteurs, c’est pas l’idée du siècle. Il faut informer les parents qui eux vont sensibiliser à leur tour. – Marie-Pascale Nadeau
Ressources complémentaires :
Statistiques sur les habitudes d’écoute – Feuillet distribué par Joanie Farmer, de l’OOAQ lors du panel
REVUE DE PRESSE SUR LE SUJET :
Les problèmes d’audition sont en augmentation chez les jeunes (Entrevue avec Joanie Farmer à l’émission Tout un matin, sur Ici Première)