Avant de prendre part à cette activité qui a clos la journée, les participants ont d’abord assisté à trois panels qui leur ont fourni l’occasion d’apprendre et d’échanger avec des experts sur trois dimensions importantes liées à la sécurité auditive des jeunes: le dépistage néonatal de la surdité, le dépistage préscolaire et les habitudes d’écoute chez les jeunes.
Vous trouverez le résumé des trois panels.
Panel 1 : Parlons du dépistage de surdité néonatal
Panel 2 : L’importance d’un dépistage préscolaire
Panel 3 : Les habitudes d’écoute chez les jeunes
Nous avons donc invité les participants à former des sous-groupes de 8 personnes dans cet atelier d’intelligence collective visant à faire émerger des pistes de solutions pour assurer la sécurité auditive maximale des jeunes d’aujourd’hui et de demain.
Pour ceux qui n’ont jamais participé à un atelier d’intelligence collective, imaginez-vous un jeu de société avec une planche de jeu et des règles, où le but est de favoriser les échanges entre les participants et de trouver des pistes de solution créatives à un enjeu donné décrit sur une des cases.
Voici un aperçu du déroulement de l’atelier lors de cette JNAQ 2023:
Étape 1 – Brise-glace
Tour de table pour se présenter et partager ses grandes découvertes de la journée.
Étape 2 – Définir un persona (“personne-type fictive”)
Chaque table de 8 participants devait s’entendre pour imaginer le persona* qui les guiderait pour le reste de l’atelier.
*Un persona est un personnage fictif ayant les principales caractéristiques en commun avec les utilisateurs d’un service, la cible d’un produit ou d’une ressource.
Il peut y avoir plusieurs profils types qui vivent une même réalité. La diversité de ces profils permet de mieux comprendre les différentes expériences vécues par chacun.
Pour le bénéfice de l’exercice, le persona devait être malentendant de naissance ou avoir été diagnostiqué avant ses 18 ans. Les participants devaient définir son âge et donner quelques détails sur son parcours de vie.
L’objectif de l’atelier était de réussir à se mettre dans la peau du persona choisi, afin de mieux comprendre sa réalité, ses besoins, sentiments et comportements et de ressentir de l’empathie pour sa situation.
Étape 3 – Parcours de développement d’un enfant malentendant
Chaque sous-groupe de 8 participants disposait d’une grande feuille avec un tableau séparé en colonnes, représentant chaque étape du parcours de développement d’un enfant malentendant, dans toutes les phases de sa vie, de la périnatalité et la petite enfance jusqu’à la fin de l’adolescence.
Les participants devaient y inscrire les événements marquants de la vie de l’enfant, ses obstacles et défis ainsi que ceux de sa famille, les sentiments que tous ressentaient à chacune des étapes du parcours, ainsi que les ressources de soutien aux familles disponibles au Québec.
Les groupes ont donc pu ainsi se glisser dans la peau de l’enfant et de sa famille, se mettre en posture d’empathie, jusqu’à ressentir leurs frustrations et leurs joies à chacune des étapes de leur parcours.
Finalement, après avoir passé près de 75 minutes dans la peau du jeune et de sa famille, les participants étaient invités à partager des pistes de solutions pour améliorer leur qualité de vie.
La richesse de l’atelier vient de la pluralité d’expérience des participants. On y retrouvait entre autres des professionnels de la santé, des organismes de soutien aux familles, des aînés, des malentendants de naissance, et des gens ayant perdu l’ouïe tardivement.
Voici trois exemples des personas, leurs défis, et quelques idées qui ont émergé de l’atelier
Persona 1
Oscar, jeune homme de 18 ans vivant en Beauce, diagnostiqué à l’âge de 2 ans et demi, implanté cochléaire à 3 ans. Il a un grand frère entendant et une sœur TSA (Trouble du spectre de l’autisme). Il aime l’école et est très sociable.
Son parcours en quelques mots
Lors de son entrée à la garderie, Oscar présente un retard de langage et de motricité. Les parents s’inquiètent et pensent à l’autisme. Diagnostiqué à 2 ans et demi, les parents vivent de la culpabilité et de la frustration. À l’adolescence, Oscar fait la découverte d’une communauté de sourds TSA qui lui fait ressentir de la fierté et lui donne un sentiment d’appartenance.
Quelles leçons pouvons-nous en retirer?
- Assurer le dépistage néonatal systématique
- Assurer des services d’interprétation en plusieurs langues (LPC, LSQ)
- Promouvoir un vocabulaire positif puisque les termes utilisés sont souvent négatifs (échecs, souffrance).
Persona 2
Sarah est une femme de 32 ans vivant à Rouyn-Noranda, issue d’une famille d’immigrants du Mexique. Dépistée à l’âge de 6 ans, elle vit une perte légère, voire modérée progressive. Elle est impliquée dans la culture sourde et aime la musique.
Son parcours en quelques mots
Lors de son entrée à l’école, Sarah passe pour une enfant calme et ne réagit pas aux consignes des enseignants. Les parents vivent de l’impuissance face aux délais dans le système de santé et au scepticisme du médecin. Vers 6 ans, le diagnostic tombe, surprend la famille et a un impact sur l’identité de Sarah. Vers 10 ans, elle apprend à assumer le port de ses appareils auditifs, mais vit de l’intimidation qui affecte son estime de soi.
Quelles leçons pouvons-nous en retirer?
- Plus de sensibilisation des intervenants de première ligne pourrait favoriser un diagnostic des enfants dès leur entrée à l’école (enseignants, écoles, infirmières)
- Il serait souhaitable d’être en contact avec des audiologistes scolaires nomades pour du dépistage scolaire lorsqu’on est en région éloignée
- Plus de travail collaboratif entre spécialistes: ORL, audiologiste, audioprothésiste, etc.
- Avoir rapidement accès à d’autres jeunes pour offrir un espace de socialisation
- Plus de représentation dans les médias afin d’inspirer les jeunes malentendants et favoriser leur estime de soi
Persona 3
Étienne a 9 ans, est né au Bénin, vit au Québec. Il est en 4ième année.
Son parcours en quelques mots
Vers l’âge de 2 ans, Étienne immigre au Canada avec sa famille, s’exposant ainsi à plusieurs langues et à un environnement bruyant. L’entrée à la maternelle met en lumière sa peur du changement et son incapacité à se faire comprendre. Il s’isole. Vers 6 ans, il va au camp d’été pour la première fois et tente de se faire des amis. Il ressent beaucoup de fatigue et de maux de tête. L’animateur est surchargé et ne prête pas attention aux besoins d’Étienne, qui vit de l’anxiété et de l’insécurité. Étienne est maintenant suivi par un psychologue et un neuropsychologue.
Quelles leçons pouvons-nous en retirer?
- Sensibiliser les enseignants et animateurs aux défis de l’immigration et aux barrières de langue
- Favoriser l’utilisation de bouchons spécialisés pour réduire l’impact auditif sur les enfants
- Promouvoir une culture d’inclusion à l’école et dans les camps de vacances
Conclusion
En conclusion, nous aurions pu vous présenter les 8 autres personas qui ont émergé de l’intelligence collective des participants, mais nous préférons nous concentrer sur les trois grandes idées qui se sont dégagées de presque tous les sous-groupes :
1. Le dépistage néonatal ou à la naissance réduirait grandement les retards scolaires et le sentiment d’impuissance des parents
2. La sensibilisation des acteurs de première ligne pourrait grandement accélérer le diagnostic scolaire et améliorer la qualité de vie des enfants vivant avec des défis d’audition
3. Promouvoir à grande échelle la santé auditive et les défis d’audition pour favoriser la prévention et l’intégration bienveillante des jeunes et moins jeunes malentendants dans la société, comme on intègre les personnes avec des problèmes de vision et qui portent des lunettes.
DÉCOUVREZ UNE FOULE D’ARTICLES EN LIEN AVEC LA SURDITÉ ET LA SANTÉ AUDITIVE DANS CE CAHIER SPÉCIAL PUBLIÉ DANS LE JOURNAL DE MONTRÉAL À L’OCCASION DE LA JOURNÉE NATIONALE DE L’AUDITION DU QUÉBEC 2023
LIEN: https://www.jemagazine.ca/products/journee-nationale-de-laudition-le-journal-de-montreal