À l’occasion de la Semaine québécoise des personnes handicapées, qui avait lieu du 1er au 7 juin, Audrey Dion-Globensky, membre d’Audition Québec, a partagé le texte ci-dessous sur sa page Facebook. Avec sa permission, nous le reproduisons ici.
La Semaine des personnes handicapées tire à sa fin. C’est un bon rappel pour faire comprendre aux gens en général les enjeux que peuvent avoir les personnes ayant un handicap/déficience.
Je profite de l’occasion pour faire un message important. Ces dernières années ont marqué mon entrée sur le marché du travail. Cette étape de vie est déjà stressante pour plusieurs personnes. Imaginez quand vous avez une différence en plus. J’ai remarqué qu’il y a un grand manque de sensibilisation de différentes instances gouvernementales lorsque vient le temps d’avoir de l’aide pour accomplir nos tâches.
Par exemple, il n’est pas normal que des gens nous fassent des commentaires inappropriés du genre, si on fait exprès de pas comprendre, si on comprend le français (ben oui… faut avoir un minimum de français pour travailler au Québec), sous-estimer nos capacités, refuser des accommodements, etc. Il n’est pas normal non plus que lorsque tu dois faire des heures de formation obligatoires, que lesdites formations ne soient pas sous-titrées et malgré les demandes, cela n’est toujours pas fait. Je ne comprends pas d’ailleurs pourquoi il n’y a pas d’obligation de sous-titrer toutes les vidéos, que ce soit à la télé, lors des formations, Youtube, etc.? C’est la moindre des choses…
* Ne vous inquiétez pas, je suis bien entourée avec mes collègues, je parle de mes expériences antérieures.
Aussi, au niveau gouvernemental, ce n’est pas normal que lorsque tu demandes de l’aide en raison d’une déficience, qu’on rend le processus difficile ou que pour recevoir le crédit d’impôt, qu’un des critères, c’est en fonction de nos aides auditives. Comme si ça règle la situation. Il n’y a rien qui règle la perte auditive, encore moins avec les implants cochléaires, vu que lorsque nous subissons la chirurgie, nous perdons habituellement nos restes auditifs, ce qui est mon cas. C’est le cas de nombreuses personnes. Nous sommes encore plus sourds, et lorsque nous utilisons nos appareils ou implants, ça nous amène de l’audition, mais elle ne la règle pas. Comme n’importe quel outil technologique, il peut y avoir des bris et en bon québécois, “on est dans marde” si ça arrive car nous ne comprenons tout simplement pas si il y a un problème.
D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi le mot « handicap » est utilisé pour désigner les problématiques visuelles, auditives, motrices ou autres. C’est un handicap selon qui? C’est la société qui n’est pas adaptée et c’est en raison du manque d’accessibilité que nous vivons des situations d’handicap, car nous manquons de ressources. Si la société était réellement inclusive, nous n’aurions pas de problèmes à nous intégrer, mais ce n’est pas le cas. Nous devons mener des batailles constantes et cela est épuisant à la longue. Je constate que le manque de sensibilisation est criant tant dans le monde du travail que dans la société.
Tout le monde sait que le Québec, comme ailleurs dans le monde, traverse une pénurie de main-d’œuvre préoccupante dans plusieurs domaines d’emploi. Il faudrait que le gouvernement laisse les personnes ayant des défis travailler. Il faudrait nous donner tous les outils nécessaires pour qu’on puisse réellement s’intégrer. Nous sommes de plus en plus de personnes (sourdes entre autres) à aller au-delà du secondaire. Nous faisons de plus en plus d’études. Nous traversons souvent des embûches supplémentaires dans notre parcours scolaire. Ce n’est pas toujours mieux rendu sur le marché du travail où nous devons souvent expliquer dans notre milieu notre réalité et ce dont nous avons besoin. Je me suis souvent remise en question ces dernières années justement à cause des défis qui m’ont presque menée à un épuisement dû à l’énergie cognitive que ça me demandait pour comprendre. Je traverse d’ailleurs une période de ce genre présentement. Je trouve que c’est assez ironique qu’on doive aider les gens à trouver des moyens pour avoir une meilleure qualité de vie, mais que lorsque nous le demandons pour nous-mêmes, c’est souvent très compliqué. Ce ne devrait pas être ainsi. Tout le monde devrait avoir les mêmes chances peu importe leurs caractéristiques.
Tant qu’il y aura un manque d’accessibilité, nous allons toujours vivre des situations que personne ne devrait connaître. Il y a tellement plus de choses qui nous rassemblent que de choses qui nous différencient. Pourquoi ne pas s’attarder aux forces de chaque personne au lieu de se concentrer sur les difficultés ? Chaque personne a des forces, après tout.
À mon avis, il est urgent qu’une importante réflexion de société s’impose.
Je peux sembler alarmiste et négative, mais ce sont des choses que j’ai constatées ces dernières années et que beaucoup de gens vivent. C’est un enjeu beaucoup trop important pour laisser ça sous silence.